Dans les coulisses d’un stage cerf-volant : l’interview de Thierry Deschamps

Publié le 3 may 2025 par Alban Kites

J’ai voulu plonger dans les coulisses d’un stage de cerfs-volants, comprendre comment ça se met en place, d’où vient l’idée, et surtout, découvrir la personne qui est derrière ce projet. Aujourd’hui, je te propose de rencontrer Thierry Deschamps, un passionné qui organise chaque année des stages pour initier ou perfectionner les amateurs de cerfs-volants pilotables. Tu vas voir, l’histoire est riche, et tu risques bien d’avoir envie de venir tirer sur des lignes, toi aussi !

(Petite note : j’ai glissé tout au long de l’article quelques photos du stage 4 lignes de mars 2025, organisé par Thierry — histoire de te mettre dans l’ambiance.)

Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Alban Kites

Peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours dans le monde du cerf-volant ?

Alors moi, c’est Thierry. Je suis tombé dans tout ce qui vole très tôt, parce que dans ma famille, on avait déjà la fibre de l’aviation : mon grand-père était pilote de chasse, mon père aussi était dans l’armée de l’air. Du coup, très vite, j’ai eu envie de jouer avec le vent, de fabriquer et faire voler des planeurs, modèles réduits. Vers mes 6 ou 7 ans, mon père et moi, on construisait déjà nos propres cerfs-volants. On fabriquait des deltas Conyne.

Ensuite, il y a eu la découverte du planeur radiocommandé, la compétition, et puis un jour, un pote sorti un cerf-volant freestyle. J’étais persuadé qu’il était « mal réglé » parce qu’il partait dans tous les sens, jusqu’à ce qu’il m’explique que c’était fait exprès ! Alors là, coup de foudre : je suis entré chez l’association Vent de Fous vers la fin des années 90, j’ai construit mes premiers cerfs-volants pilotables, et j’ai appris auprès de copains qui, parfois, étaient eux-mêmes champions de France ou d’Europe. J’ai découvert une équipe intéressée tout le temps par le partage et l’échange. À ce moment-là, je me suis mis à fond dans le pilotable avec ma femme, Tifenn, que j’ai rencontré dans l’association et qui est membre fondatrice de Vent de Fous et compétitrice entre autres dans l’équipe Air de Rien. Depuis, on n’a jamais vraiment arrêté.

Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Alban Kites

Qu’est-ce qui t’a donné l’idée de commencer à organiser ces stages de cerfs-volants ?

Au fil du temps, dans notre asso Vent de Fous, on a toujours croisé des personnes qui avaient envie d’apprendre à piloter un cerf-volant de s’y mettre mais se retrouvaient sans encadrement. Souvent, ils avaient un cerf-volant de grande surface un peu bancal, ou ils le montaient à l’envers sur la plage ! On voyait bien la frustration et, honnêtement, ça nous faisait mal au cœur de ne pas pouvoir les aider à aller plus loin.

Tifenn venait du milieu de la voile et me rappelait qu’en club de voile, tu ne vas pas acheter direct un bateau. Alors on s’est dit : « Et si on créait, nous aussi, une “école” pour le cerf-volant ? » On mettrait à disposition du matériel adapté, afin que les nouveaux pilotes puissent s’essayer sans forcément sortir 200 ou 300 euros d’un coup. C’était l’idée de départ : « un parc de cerfs-volants de qualité, géré par l’association, et ouvert à tous ».

C’est comme ça qu’on a lancé l’école : on a démarché plusieurs fabricants français pour acquérir en lot d’une dizaine de cerfs-volants « standards » et autant de « ventilés ». Au final, Drôle d’Oiseau (Stéphane Dolé) nous a vraiment soutenus en proposant des tarifs négociés. Ça nous a permis de constituer un parc de 20 cerfs-volants pour débuter ou se perfectionner.

Ensuite, après avoir passé une convention avec une mairie pour le prêt d’un terrain le samedi matin nous avons créé l’école avec des sessions tous les samedis matin pour des pilotes de différents niveaux. Coté pédagogie Tifenn et moi avons utilisé ce que nous avons appris lors des formations fédérale (Tifenn est entraineur et je suis moniteur), ça donne des sessions adaptées au niveau des pilotes et comme un entrainement sportif chaque session commence par un échauffement et se termine par un débrief. Cela crée une super dynamique de groupe.

A cette époque, Nicolas Lormeau a organisé un stage Freestyle à Houlgate. N’étant pas coutumier de ces figures je m’y suis inscrit. J’ai trouvé ça tellement riche en enseignement que lorsque Nicolas a cessé d’en organiser, j’ai eu envie de prendre la relève pour continuer à proposer ce format de deux jours, plus intensif et plus riche pour progresser, par contre d’un stage « freestyle » je l’ai transformé en stage de « perfectionnement ». Depuis, on propose trois rendez-vous annuels : un stage 2 lignes « perfectionnement », un stage 100 % féminin multiniveaux, et un stage 4 lignes « perfectionnement ». Chacun y trouve son compte : la technique, l’ambiance de groupe, et cette convivialité fait avancer tout le monde !

Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Alban Kites

Peux-tu nous donner un aperçu des préparatifs nécessaires pour organiser un stage ?

Organiser un stage, ce n’est pas sorcier en soit. Déjà, il faut avoir envie. Mais concrètement, il y a pas mal de choses à prévoir. Il faut :

  1. Trouver un lieu : idéalement une grande plage ou un terrain dégagé, avec un hébergement pas loin. Nous sommes fidèles à Houlgate (Normandie, France), parce que la plage est dégagée et assez grande pour accueillir 12 à 16 participants et parce que le centre sportif sur place propose des chambres et une salle commune à des tarifs attrayants.
  2. Réunir des instructeurs : ce n’est pas forcément les meilleurs pilotes qu’il faut, mais des gens à l’aise en pédagogie et qui ont envie de transmettre. Trouver un instructeur connu aide évidemment à attirer les participants. Ce n’est pas toujours simple de concilier les trois critères.
  3. Boucler le budget : tu dois couvrir le déplacement et l’hébergement pour les intervenants. La Ligue de Normandie Vol Libre, la Fédération (FFVL) nous donnent un coup de main. Les stagiaires paient aussi leurs frais d’hébergement, mais on essaye de garder l’inscription à un tarif bas pour que ce soit accessible.
  4. Obtenir les autorisations : la mairie, ou le propriétaire du terrain, doit être au courant, c’est essentiel. Ça te permet de pratiquer en toute légalité et de ne pas te retrouver en concurrence avec d’autres événements.
  5. Communiquer et enregistrer les inscriptions : on s’appuie sur le bouche-à-oreille, un petit post sur les réseaux et une info sur le site de la FFVL, et puis les participants reviennent d’une année sur l’autre. Faut ensuite gérer les fiches d’inscription, la licence Fédé, la répartition en groupes, etc.

Clairement, c’est du taf avant, pendant et après : t’as la phase de bilan, de demande de subventions, des comptes-rendus pour la Ligue, et ainsi de suite. Mais quand tu vois les copains progresser, ça vaut vraiment le coup !

Après un premier stage, le renouvellement est plus facile car tu connais déjà les gens, les lieux, etc.

Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Tifenn Le Borgne

Quels sont les principaux défis auxquels tu fais face en préparant tes stages ?

  • La météo : en Normandie, on a de belles plages, mais quand le vent souffle de terre, c’est turbulent et parfois injouable. Ou alors, c’est marée haute le matin et on se retrouve serrés… Il faut composer et accepter qu’on ne maîtrise pas tout.
  • Trouver des bons instructeurs : des pilotes pédagogues, qui ont envie de se déplacer et qui sont d’accord pour jongler entre les différents niveaux des participants car nous sommes généralement un groupe hétérogène. Il vaut mieux s’accorder sur le niveau minimum des participants avec les instructeurs avant les inscriptions. Par exemple, pour un stage de débutant, il vaut mieux prévoir environ 4 débutants pour un instructeur au lieu de 6-7 participants si c’est un niveau perfectionnement.
  • Le budget : Ecrire au début un budget prévisionnel, puis affiner. Je fais des demandes de subventions à la Fédé (CNCV), la Ligue, le CDVL. Sans aides, on serait obligés d’augmenter les tarifs, et je ne veux pas que l’argent soit un frein.
  • Mobiliser les bonnes volontés : clairement, sans le bénévolat, on ne ferait rien. C’est un défi de fédérer les gens autour d’un projet sur la durée. Mais on essaie de donner l’exemple et de motiver les troupes !
  • Gérer les licences et la paperasse : il faut des licences pour l’assurance, couvrir la responsabilité, faire un dossier carré auprès de la mairie et de la Fédé. C’est un peu rébarbatif mais obligatoire.
Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Vent de Fous

Comment réagissent les participants ? As-tu des exemples de retours qui t’ont marqué ?

Ils sont généralement super contents. C’est rare qu’on me dise « c’est nul ». Les gens repartent avec des figures en plus, une meilleure maîtrise du pilotage, des rencontres… Il y a ceux qui n’avaient jamais tenté un axel ou un flic-flac et qui y arrivent sur place, ce sont des sourires jusque-là !
Une fois, un stagiaire débutant nous a confié qu’il n’arrivait pas à poser son 2 lignes en douceur. Au bout du week-end, il savait se poser pile où il voulait, sans crash. Il avait des étoiles dans les yeux, c’est hyper gratifiant. Et puis, il y a les habitués qui reviennent quasiment chaque année pour peaufiner leur technique ou tester un nouveau cerf-volant.

D’ailleurs, c’est un indicateur qui ne trompe pas : le taux de fidélité. Plus de la moitié des stagiaires reviennent l’année d’après. J’ai un bon noyau de “récidivistes” (rires). Ça, ça me fait vraiment plaisir : ça prouve qu’on a apporté quelque chose qui leur a donné envie de continuer. Le stage se remplit d’ailleurs de plus en plus vite à cause de ça – maintenant je le sais, je préviens les anciens en premier, et très vite c’est complet. C’est extrêmement gratifiant pour nous, organisateurs, de voir cette confiance et cet enthousiasme des participants.

Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Tifenn Le Borgne

Qu’est-ce que le bénévolat dans le monde du cerf-volant t’apporte sur le plan personnel ?

Franchement, je ne me suis jamais posé la question dans ces termes-là. J’ai toujours connu ça, dans ma famille tout le monde filait un coup de main à droite à gauche, donc pour moi c’est naturel. J’aime pas trop l’idée d’être juste consommateur. Organiser un stage, c’est donner et recevoir : tu partages un savoir, et en échange tu apprends des autres, tu fais des rencontres, tu participes à l’énergie de la communauté.

C’est sûr que c’est parfois ingrat : t’as la paperasse, les gens qui râlent parce que « pourquoi c’est en Normandie ? », ou qui ne mesurent pas le boulot. Mais à mes yeux, le bénévole, c’est la base qui maintient vivant notre loisir. Sans ces coups de main gratuits, il n’y aurait plus d’écoles, plus de projets. Et c’est ça que j’aime : construire quelque chose, transmettre, puis voir les gens voler avec un grand sourire.

Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Tifenn Le Borgne

Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite s’impliquer ou organiser des stages comme les tiens ?

  • Fonce ! Si tu en as envie, lance-toi, ne serait-ce que « pour voir ». Il ne faut pas avoir peur d’essayer.
  • Trouve un lieu adapté : un terrain, une plage, un gymnase si c’est pour l’indoor, avec la possibilité d’héberger tout le monde à côté. Le confort aide beaucoup à la convivialité.
  • Entoure-toi : contacte des pilotes confirmés qui ont la fibre pédagogue. Un petit post sur Facebook, un mail, quelques coups de fil, et tu seras surpris du nombre de gens motivés. Et discute avec la ligue, la Fédé, pour voir comment demander des subventions.
  • Ne cherche pas la perfection : la météo peut te jouer des tours, l’emploi du temps peut changer, il faut s’adapter et ne pas stresser pour rien.
  • N’hésite pas à demander des conseils aux organisateurs existants. Ils peuvent t’apporter leur expérience et des conseils, par exemple pour le budget et le financement.
  • Et le conseil le plus important : garde l’esprit plaisir et partage ! On organise des stages avant tout pour transmettre une passion, pas pour se prendre la tête. C’est du boulot, oui, mais c’est aussi énormément de bonheur derrière. La première fois que tu verras tes stagiaires le sourire aux lèvres en train de réussir un exercice grâce à toi, tu vas oublier toutes les heures passées à préparer !
Stage 4 lignes, mars 2025, photo par Marc Levesque

Comment les lecteurs peuvent-ils te soutenir ou s’impliquer dans la promotion du cerf-volant ?

Le plus simple, c’est de rejoindre un club, prendre une licence pour soutenir la communauté. Ça aide la Fédé à avoir plus de poids, donc plus de moyens pour financer des projets. Ensuite, tu peux faire vivre la discipline : parler autour de toi, partager des vidéos, des photos, participer à des rencontres, des festivals. Même juste filer un coup de main pour monter un barnum sur un week-end, c’est déjà énorme.

Bref, si tu as envie de montrer que ce loisir vaut le détour, on est preneur de toute aide pour faire connaître notre passion. Et si tu te sens l’âme d’un organisateur ou d’un formateur, lance-toi : on sera ravis de t’accompagner !

Conclusion personnelle

Merci Thierry pour ce partage ! Merci aussi à toutes les personnes qui ont contribué et qui contribuent encore à l’organisation de ces stages.

Pour ma part, discuter avec Thierry m’a insufflé de l’énergie : non seulement j’ai envie de prendre mes lignes et d’aller à la rencontre d’autres passionnés, mais aussi d’organiser, moi-même, des stages et des rencontres autour du cerf-volant ! J’ai découvert que l’orga repose sur un bel équilibre entre passion, persévérance et bénévolat. Et c’est peut-être ça, le secret : il suffit de se lancer, de vouloir partager l’enthousiasme et de faire vivre notre discipline.

Alors, prêt à rejoindre l’aventure ? Comme le dit si bien Thierry, ce n’est pas si compliqué : il faut juste y croire, rassembler quelques copains motivés, et hop, on boucle un week-end pour faire voler tout ce qu’on veut. Allez, toi aussi, lance-toi ! Les plages, les champs et nos cœurs n’attendent que ça.

Pour aller plus loin

  • Renseigne-toi sur les clubs proches de chez toi : la plupart ont un site ou une page Facebook
  • Peut-être vis-tu en Normandie ? Dans ce cas, l’école de Vent de Fous peut t’accueillir !
  • Consulte le site de la FFVL (Fédération Française de Vol Libre) et scrute la rubrique cerf-volant ou le calendrier des stages.
  • Intéresse-toi aux grands festivals (Berck, Dieppe, etc.) (pas seulement les grands, parfois il est plus facile d’échanger sur des petits festivals) : idéal pour se faire une idée de la scène cerf-volant en France.

Voilà, maintenant, tu sais tout (ou presque) sur les coulisses d’un stage de cerf-volant façon Thierry Deschamps. À toi de t’envoler !

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